"Cette douleur plantée en moi comme un coin, au centre de ma réalité la plus pure, à cet emplacement de la sensibilité où les deux mondes du corps et de l'esprit se rejoignent, je me suis appris à m'en distraire par l'effet d'une fausse suggestion.
 L'espace de cette minute que dure l'illumination d'un mensonge, je me fabrique une  pensée d'évasion, je me jette sur une fausse piste indiquée par mon sang. Je ferme les yeux de mon intelligence, et laissant parler en moi l'informulé, je me donne l'illusion d'un système dont les termes m'échapperaient. Mais de cette minute d’erreur, il me reste le sentiment d'avoir ravi à l'inconnu quelque chose de réel. Je crois à des conjurations spontanées. Sur les routes où mon sang m’entraîne, il ne se peut pas qu'un jour je ne découvre une vérité."

 
Antonin Artaud (à André Gaillard) - Fragments d'un Journal d'Enfer (1926)
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